Flots transversalement holomorphes

Donnons nous un système d’itération \(\{( D, h_1, h_2 ) \}\) vérifiant l’équation fonctionnelle \( (\mathcal E) \). On note \(\Phi : T_1 \rightarrow T_2\) le biholomorphisme qui induit en restriction à \( h_2(D)\subset T_1 \) la transformation

\[h_1\circ h_2^{-1} : h_2(D) \subset T_1 \rightarrow h_1(D) \subset T_2.\]

 Ici nous avons construit à partir d’une telle donnée une variété fermée de dimension trois \(W\), équipée de deux feuilletages transverses \(\mathcal G\) et \(\mathcal H\), respectivement de dimension un et deux.  Le fait que la transformation \(\Phi\) soit holomorphe nous permet de construire une structure transverse holomorphe invariante par holonomie sur le feuilletage \(\mathcal G\). Nous allons voir que ce feuilletage est en fait une fibration de Seifert, en appliquant la classification des flots transversalement holomorphes sur des trois variétés fermées dûe à Marco Brunella et Etienne Ghys, voir la série d’articles 1)M. Brunella, E. Ghys. Umbilical foliations and transversely holomorphic flows. J. Diff. Geom. 41 (1995), no.1, 1-19. 2)M. Brunella. On transversely holomorphic flows I. Invent. Math., vol. 126, issue 2, pp. 265-279.  3)E. Ghys. On transversely holomorphic flows II. Invent. math. 126, 281–286 (1996).

Avant de poursuivre l’argumentation, commençons par observer que le feuilletage \(\mathcal H\) n’est pas a priori transversalement différentiable. Par contre, le procédé de lissage du groupe de Thompson, qui est dû à Etienne Ghys et Vlad Sergiescu, s’applique tout aussi bien à n’importe quel feuilletage transversalement dyadique, et lui confère une structure de feuilletage lisse \(C^\infty\). Ainsi, la variété \(W\) admet un feuilletage lisse dont toutes les feuilles sont denses, qui sont homéomorphes à une sphère privée d’un ensemble de Cantor, sauf éventuellement un nombre dénombrable d’entre elles.

La liste complète des feuilletages transversalement holomorphe sur des trois variétés fermées apparaît dans cet article de Brunella/Ghys, même si le fait qu’elle est complète est ultérieure. Rappelons la brièvement :

  1. Les fibrations de Seifert
  2. Les feuilletages stables (resp. instables) forts d’un flot d’Anosov linéaire sur un fibré hyperbolique en tores au dessus du cercle
  3. Les feuilletages linéaires sur un tore \(\mathbb T^3\)
  4. Les suspensions d’un automorphisme de la sphère de Riemann
  5. Les feuilletages induits par une singularité hyperbolique sur les variétés lenticulaires.

L’exemple 2 ne peut apparaître dans notre cas à cause d’un résultat de classification des feuilletages par surfaces non compactes sur les fibrés hyperboliques en tores au dessus du cercle, dû à Etienne Ghys et Vlad Sergiescu : les seuls feuilletages par surfaces sur de telles variétés ont des feuilles toriques, ou bien sont différentiablement conjugués aux fibrés (in)stables faibles de la suspension d’un difféomorphisme Anosov hyperbolique du tore. Les feuilles de ces derniers feuilletages sont soit des cylindres, soit des plans, et ne peuvent être des feuilles d’un feuilletage de Hirsch. Ainsi, l’exemple 2 est impossible dans notre situation.

Par ailleurs, les feuilles d’un feuilletage de Hirsch sont à croissance exponentielle ; la théorie de Novikov montre que le groupe fondamental de la variété \(W\) a également une croissance exponentielle. On en déduit donc que les exemples 3-4-5 de la liste de Brunella/Ghys ne peuvent pas apparaître.

Nous concluons ce bloc par le résultat suivant :

Lemme  :  La base d’une fibration de Seifert associée à un système d’itération vérifiant \( (\mathcal E) \) est un orbifold hyperbolique. 

Démonstration : Les orbifolds de dimension deux sont géométrisables (en dehors d’exemples pathologiques qu’il faudrait quand même regarder en détails). Les géométries possibles sont des métriques riemanniennes de courbure constante \(\kappa\). Chacune d’elle induit une structure riemannienne transverse sur le feuilletage transversalement holomorphe, ayant pour courbure \(\kappa \). En particulier elles induisent des métriques complètes de courbure \(\kappa\) sur les feuilles du feuilletage \(\mathcal F\). Or ces feuilles sont génériquement homéomorphes à des sphères privées d’un ensemble de Cantor. Seule la géométrie hyperbolique correspondant à \(\kappa <0\) peut donc apparaître. cqfd

Corollaire : Soit \( (D,h_1, h_2) \) un système d’itération satisfaisant à la condition \( (\mathcal E)\). Alors si l’on désigne par \(\Lambda\subset D\) l’ensemble limite, il existe une unique métrique conforme à courbure \(-1\) sur \(D\setminus \Lambda\) qui est invariante par les transformations \(h_1\) et \(h_2\). 

Démonstration : une fibration de Seifert munie d’une structure holomorphe transverse et de base hyperbolique admet une unique métrique transverse \(g\) qui est conforme (vis à vis de la structure transverse holomorphe) et à courbure \(-1\). Rappelons nous que la variété \(W\) est construite en prenant un certain quotient du produit du pantalon \( \Pi = D\setminus (h_1(\text{Int} D) \cup h_2(\text{Int} D) \) par l’intervalle \( [0,1]\). La métrique \(g\) induit une métrique sur le pantalon \(\Pi\). Le fait que la métrique \(g\) descende en une métrique définie sur la variété \(V\) montre que \(g\) est invariante par les transformations \(h_1\) et \(h_2\) sur \(\partial D\). Elle s’étend donc en une métrique invariante par \(h_1\) et \(h_2\) sur tout le disque privé de l’ensemble limite. cqfd

 

Concluons par une question intéressante : quels sont les feuilletages de Hirsch sur les fibrés de Seifert au dessus de l’orbifold (3,3,7) ?

 

References   [ + ]